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samedi 11 janvier 2014

Carnet de paysans-Auvergne

Mon carnet de paysans, c'est plus qu’un carnet de voyage traditionnel, où il n'y aurait que des aquarelles. C'est un carnet qui évoque un monde que nous croyons connaître: le monde paysan.
J’entendais Pierre Rosenvallon sur France Culture, citant une phrase de Michelet : « Faire cesser cette ignorance dans laquelle nous sommes les uns des autres ». 
C’est exactement le but que je me suis fixé avec ce carnet. Aller à la rencontre des paysans afin que ceux que nous côtoyons sans les voir puissent s’exprimer largement et que nous ayons une connaissance un peu moins superficielle de la manière dont ils vivent. 
En voici encore un extrait: 

François, éleveur de vaches allaitantes:

François élève aussi des poulets, en intégration. Intégration? Cela signifie qu’une entreprise le paye pour élever poulets, pintades ou chapons. Il reçoit les poussins en même temps que la nourriture, stockée dans un silo. A la fin, il est payé au poids des bêtes. Il y en a 4400 sur 400 mètres carrés, parce que c’est du Label rouge. Sinon, c’est 25000 sur 1000 à 1200 mètres carrés ! Il les garde six semaines au chaud. Ensuite les trappes sont ouvertes et les poulets peuvent aller dehors. Après 80 jours minimum, l’entreprise vient les rechercher pour les mener directement à l’abattoir.



Justement, je me retrouve dans le poulailler, en compagnie des poulets. Imaginez quatre mille petits poulets qui se précipitent vers vous, parce qu’ils sont très curieux, et vous encerclent, piaillant sans cesse. Parfois, on ne sait pourquoi, ils s’arrêtent pour repartir de plus belle. Certains se font face, yeux dans les yeux, se jaugent, se hérissent, finissent par se sauter dessus, comme dans une rue étroite deux spadassins qui ne voudraient pas se céder le passage et dégaineraient leur épée. Je peins dans une lourde odeur de fiente.


 Un autre jour, je dessine la ferme de ma voiture car il pleut. Les poules sont venues tout près.  Auraient-elles besoin de compagnie? Non, elles doivent plutôt viser ce que je représente, c'est-à-dire bipède dans élément métallisé avec bruit de moteur, possiblement pourvoyeur de nourriture. Un avion est passé, volant bas. Elles se sont toutes carapatées vers leur abri.

Et comment la livre-t-on aux supermarchés cette petite chair bien dodue, nourrie à je ne sais quoi, ai-je demandé à François. « Pour attraper les poulets, quand ils sont prêts, il faut attendre la nuit. Sinon, ils ont peur, s’entassent et s’étouffent. Le ramasseur peut passer à minuit. On est huit ou dix, avec nos lampes de poche, et encore, on l’allume le moins possible. Juste le temps de voir où sont les poulets. On les prend quand ils sont encore un peu endormis, on les met dans des caisses, direction l’abattoir. Quant à la nourriture, elle est très contrôlée, bien plus que pour les poulets fermiers. Fermier, ça veut juste dire : élevé à la ferme, mais on peut leur donner n’importe quoi à manger.»



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